• Matricule 76870. Anne Li

     

      

    Matricule 76870

    A mon oncle Pierrot

     

    Matricule 76870
    Gare de Compiègne
    Juin quarante quatre, les images s’imprègnent
    Son regard se perd et sa raison s’égare
    Les chiens sortent de l’ombre
    Sur le quai de la gare
    Et les bruits des mitrailles
    Des bottes saccadées
    Martelant la chaussée
    Lui reviennent en mémoire
    Et troublent ses pensées



    Ils sont là, décharnés
    Imbriqués l’un dans l’autre
    Morts et vivants soudés
    Ils sont là, statufiés
    Dans la chaleur viciée
    Derrière des lucarnes, entièrement grillagées
    Qui annoncent Dachau et tous ces barbelées
    Ils sont là entassés, sans autre destinée
    Que celle de survivre pour pouvoir raconter

    Matricule 76870,

    Gare de Compiègne

    À la vue de ce train, la douleur l’enserre
    Ses blessures sont béantes, sa cicatrice saigne
    Ses larmes prises en otage, derrière les miradors
    Refoulées, prisonnières, à présent se libèrent


    Bête de fer,

    Monstre sanguinaire où la raison se tord

    Il n’a rien oublié de l’horreur de la guerre

     

    Anne Li 

     

    Matricule 76870. Anne Li

     

    Convoi parti de Compiègne le 2 juillet 1944

    Ce transport est le cinquième parti de France à prendre la direction du KL Dachau depuis le débarquement de Normandie. C’est aussi le plus important qui ait jamais quitté Compiègne. Il est resté connu sous le nom de « Train de la mort » en raison du nombre élevé des décès survenus durant le trajet. Les 2152 hommes qui composaient ce transport appartenaient  à dix-huit nationalités différentes, néanmoins les déportés français étaient les plus nombreux soit 2018 hommes. Quelques uns d’entre eux avaient été arrêtés dès la fin 1940, en particulier des communistes ou des droit commun, mais la plupart l’avaient été en 1944, notamment en mai et juin 1944. Après quelques jours ou semaines de prison, ces derniers étaient transférés au camp de Compiègne-Royallieu, le plus grand nombre y étant arrivé en juin 1944. Ce transport du 2 juillet s’inscrit dans le contexte du début de la libération du territoire français par les troupes alliées, alors que depuis plusieurs mois la répression allemande s’était amplifiée en raison du développement de la lutte armée des maquis contre l’occupant. Le démantèlement des groupes de résistance et les rafles de représailles furent à  l’origine de la plupart des arrestations, les noms de près de 150 réseaux ou mouvements ayant ainsi été relevés pour les déportés de ce convoi.

    Dans chacun des 22 wagons du train N° 7909 qui quittait Compiègne vers 9 heures ce 2 juillet, les nazis avaient entassé une centaine d’hommes. A 11 heures 05, le sabotage de la voie obligeait le train s’arrêter pendant trois heures sous un soleil de plomb au niveau de Saint-Brice, quelques kilomètres avant Reims où le train s’immobilisait nouveau. La chaleur, le manque d’eau et l’asphyxie auraient déjà provoqué  une centaine de décès Le convoi repartait vers 15 heures 10, mais, après un court trajet, un nouveau sabotage était à l’origine du déraillement de la locomotive au niveau de l’aiguillage du dépôt de Bétheny. Les wagons étaient ramenés par un tracteur de manœuvre à  la gare de Reims, sur une voie de garage, où  ils stationnaient en plein soleil en attendant le relèvement de la locomotive. Les morts se succédaient pendant ce long arrêt alors que la chaleur était devenue suffocante. Dans certains wagons, les hommes, bout de souffrance, sombraient dans la folie et s’entre-tuaient. Vers 20 heures, le train reprenait sa route vers l’Est et roulait toute la nuit, pour s’arrêter, le 3 juillet, en fin de matinée, Revigny, quelques kilomètres au nord-ouest de Bar-le -Duc. Les cadavres de la veille commençant se décomposer, les Allemands se décidaient ouvrir les portes et faisaient enlever les corps de leurs camarades par des détenus, les agonisants étant achevés sur le ballast d’une balle dans la tête. En soirée, le convoi franchissait la Moselle et s’arrêtait vers 21 heures 50 en gare de Novéant, devenue gare-frontière depuis l’annexion de fait de l’Alsace-Moselle. Le 4 juillet au matin, le train quittait Novéant vers 7 heures 15 en direction de Sarrebourg où il s’immobilisait en fin de matinée. Alors que des infirmières de la Croix-Rouge allemande distribuaient de la soupe et de l’eau, les SS mettaient fin brutalement à ce ravitaillement et ordonnaient le départ du train qui passait par Strasbourg, Karlsruhe, Pforzheim, Stuttgart, Ulm, Burgau, Augsbourg et Munich, ville où il effectuait un dernier arrêt, avant d’atteindre la gare de Dachau le mercredi 5 juillet vers 15 heures. Une heure et demie plus tard, les survivants atteignaient,  le  KL Dachau . Là  les corps sans vie étaient retirés du train, puis transportés directement au crématoire sans être enregistrés.

    Au moins 519 déportés seraient morts pendant le trajet de Compiègne à Buchenwald. Dans quelques huit wagons, aucune victime ne fut recensée, les témoignages des survivants, montrant que les détenus étaient parvenus s’organiser pour rationner l’eau, et mettre en place des rotations vers les lucarnes afin que tout le monde pût bénéficier d’un peu d’air frais.

     

    Parmi les 1633 hommes de ce convoi arrivés et  immatriculés à Dachau les 5 et 6 juillet 1944, seuls 156 détenus restaient au camp central. Après une période de quarantaine plus ou moins longue, les autres furent affectés dans divers camps de concentration ou Kommandos de travail extérieurs. Dès la fin juillet, au moins 863 détenus furent dirigés sur des Kommandos de la vallée du Neckar administrés par le KL Natzweiler, dont celui de Neckarelzèpr s de Mannheim, où les déportés travaillaient dans des mines. Puis le 25 août au moins 199 détenus étaient transférés au Kommando d’Hersbruck dépendant du KL Flossenburg, où 171 trouvèrent la mort soit près de 86%.

    Dans le camp central ou ses divers kommandos, comme lors des évacutations, au moins 690 déportés allaient mourir ou disparaître.

    Parmi ces déportés, originaires du Morbihan beaucoup trouvèrent  la mort en Allemagne :

    Revinrent de déportation:

    Libérés à Dachau le 29 avril 1945 : Bertrand Dubreuil, né le 15 février 1924 à Elven, Matricule 76757; Roger Fritsch, né le 7 juillet 1914 à Lorient, Matricule 76832 ; Pierre Gloux, né le 30 juillet 1924 à Inguiniel, Matricule 76882; Louis Le Page, né le 7 janvier 1924 à Séglien, Matricule 77065 ; Alain Marsille, né le 4 mars 1920 à Vannes. Matricule 77115 ; Georges Picote, né le 14 juillet 1918 à  Lorient. Matricule 77278 ; Yves Pouleriguen, né le 30 ao t 1918 à Langonnet. Matricule 77304;

    Libéré le 5 avril 1945 au Kommando de Neckarelz : Alphonse Juhel, né le 14 décembre 1919 à Languidic, Matricule 76971;

    Libéré le 8 avril 1945 au Kommando de Vaihengen dépendant du KL Natzweiller: Mathurin Le Leuch, né le 26 juin 1913 Plumergat, Matricule 77054.

    Libérés le 30 avril 1945 au Kommando d’Allach : Pierre Giquel, né le 21 juillet 1921 à  Le Faouet, Matricule 76870; Emile Joubaud, né le 26 juin 1916 à Cléguérec, Matricule 76966; Marcel Le Bean, né le 2 août 1920 à Lorient, Matricule 77029; Louis Le Roux, né le 19 juin 1922 à  Lanvegen, Matricule 77074.

    Libérés le 2 mai 1945 de la Baubrigade de Bad Tolz: Albert Le Coguic,* né le 31 mars 1922 à  Priziac, Matricule 77037; César Le Nevé, né le 12 juin 1926 à Inguiniel. Matricule 77062;

    Libérés une date et dans un lieu non déterminés : Jean Denfornie, né le 25 avril 1921 à  Priziac, Matricule 77251; Jean Guennec, né le 25 juin 1917 à Languidic, Matricule 76909; Joseph Le Coq, né le 20 juin 1924 à Pontivy, Matricule 77038; Jean Le Sausse, né le 23 juin 1896 à Lorient, Matricule 77077.

    En revanche, nous ignorons si André Le Gardiec, né le 9 janvier 1922 à   Calan, Matricule 77033, est revenu de déportation, ce qui est aussi le cas pour Jean Le Noullec, né le 13 mars 1924 à  St Caradec-Trégomel, Matricule 77057 et Julien Sénéchal, né le 2 février 1917 à Languidic, Matricule 77405.

     

     


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