• La Balade au fil de l’eau

    Un texte sur la maladie d'Alzheimer

     

    À Marianne

    Qui était atteinte de cette maladie. 

     

    À toi aussi maman

    Qui, à la fin de ta vie,

    souffrait d'une mémoire défaillante

    Et qui avait si peur de nous oublier

     

    "Mais les cœurs maman

    se rejoignent toujours

    Dans un amour infini

    Qui n'a pas besoin de mots"

     

     

    La balade au fil de l’eau


    En cette belle journée d’été, à l'ombre d’un grand chêne où Pierre l’avait installée, elle était là, la Madeleine, dans son beau fauteuil d’osier, le regard un peu perdu dans les méandres de ses pensées.
    Mon prénom s’était envolé, mais quand je lui prenais la main, elle revenait un instant, me la serrant doucement. Et comme tous les vendredis, nous refaisions le voyage de ses souvenirs passés, en allant au fil de l’eau, sur les bords de Seine, au temps où elle avait 20 ans et des étoiles plein les yeux. Elle m’embarquait avec elle, sous le pont de Mirabeau, retrouvant là les émois de ses amours de jeunesse, la poésie de Verlaine et l’âge d’or des guinguettes où sur les rives ombragées, elle aimait tant se retrouver. Je l’imaginais alors, joliment endimanchée, avec ses longs cheveux bouclés. Au son de l’accordéon, je la regardais danser, insouciante, si légère et fredonnais avec elle, les amants de la St-Jean, le joli temps des cerises, la complainte de la butte, ces vieux airs oubliés qu’elle nous chantait si souvent. Dans cet instant si unique, l’espace de quelques refrains, nos cœurs se rejoignaient dans une tendresse infinie qui, curieusement ici, n’avait pas besoin de mots.

    Parfois, au cours de nos voyages, nous partions sur l’île Molène pour y rejoindre sa mère, la maison de son enfance et ses rires d’écolière. Elle retrouvait mémé Louise affairée à ses fourneaux, les genoux de son grand-père qui lui contait des histoires de marins, de baleiniers au coin de la cheminée. Avec le vieux chien Cyrus, toujours là à ses côtés, elle respirait le grand air, l’odeur des algues séchées, surveillant l’heure des marées, pour voir revenir au port l’oncle Etienne parti en mer, avec son grand chalutier. Elle retrouvait là l’enfant, la petite fille qu'elle était qui revenait au pays pour y passer tout l’été.

    Aujourd’hui ma Madeleine dans son monde s’est envolée vers des contrées si lointaines que je ne peux y accéder. À l'ombre de son grand chêne, dans son beau fauteuil d’osier, quand je m’assois auprès d’elle, lui prends la main doucement en fredonnant ces vieux airs qu’elle me chantait si souvent, elle me revient un instant. Et nos cœurs à l'unisson se rejoignent une fois encore dans une tendresse infinie qui n’a pas besoin de mots  

     

     

     

     

     

     

    Anne Li


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