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    Hand in Cap

     

    Handicap

     

    Agglutinés devant la porte de l’atelier comme des petites abeilles bourdonnantes pressées de rejoindre la ruche, Louise les retrouvait après six mois d’absence, comme si elle les avait quittés la veille ! La voyant arriver dans l’entrebâillement du couloir, dans un brouhaha joyeux, tous se précipitèrent alors vers elle, l’inondant de leurs rires, de leur enthousiasme, de leurs petites attentions ! Steven la déchargeait de ses sacs, Marianne de son manteau, Pauline de ses livrets de chant tandis que Jean se saisissait de son trousseau de clefs, pressé d’ouvrir l’atelier ! Tu m’as manqué, disait l’un, je t’ai préparé un cadeau, disait l’autre, tu n’es plus malade, questionnait un troisième…

    En un temps, deux mouvements, les chaises placées en demi-lune dans la pièce, étaient en place et chacun impatient attendait le signal marquant le démarrage de l’activité !

    La séance commençant toujours par un temps de parole où chacun pouvait, à sa convenance, prendre le temps de dire bonjour, de se raconter, de poser les questions qu’il souhaitait… Marianne, qui lui avait préparé un petit discours pour marquer son retour, ouvrit avec solennité les festivités.

    « Je voulais te dire, de la part de tous mes camarades, que tu nous as beaucoup manqué et que nous sommes contents de voir que tu es guérie ! Nous avions hâte de te retrouver et nous espérons que tu n’as plus trop mal à tes mains ! Pour ton retour, nous voulons aussi te chanter une petite chanson

    Jean pris alors position face au groupe et avec son talent habituel, orchestra la chansonnette. Il fit une caricature de Louise si hilarante et parfaite, tant dans la gestuelle, que dans les mimiques, que ce fût pour elle et pour tous un pur moment de rigolade, de bonheur et d’émotion !

    Puis chacun se raconta ! Axelle avait un nouveau copain, Pauline lui offrit son dessin, Steven lui montra la chorégraphie des "all blacks "qu’il avait soigneusement appris, Adrien lui fit part quant à lui de son changement d’atelier…

    Quand vint son tour, Louise, avec des mots simples, leur expliqua à elle aussi l’objet de son absence, la maladie et les effets immédiats de celle-ci. Les attelles qu'elle avait aux mains suscitèrent alors chez eux beaucoup de questions !

    « Ainsi toi aussi maintenant, tu es handicapée comme nous, interrogea Axelle ! »

    « Oui, on peut dire cela comme ça, répondit Louise ! Disons que comme vous, je dois aujourd’hui apprendre à faire les choses autrement ! Je suis plus lente, et dois trouver moi aussi des astuces, des solutions pour y arriver ! Cela ne m’empêche pas d’avancer pour autant ! D’ailleurs savez-vous d’où vient ce mot « handicapé et ce qu’il veut dire ?

    « Gogole, zinzin, fou… S'exclame spontanément en s’esclaffant Jean…Débile rajouta Steven »

    « Pas du tout, vous n'y êtes pas " Le mot" hand in cap" est un mot anglais ! Hand veut dire main et cap chapeau « main dans le chapeau » alors pour nous qui sommes un peu des magiciens et qui aimons faire le spectacle, c’est plutôt joli, non ? Et puis dans ce mot, il y a cap comme dans capable et ça aussi, c'est plutôt bien !

     

    Anne Li 

     

    Handidanse, Handi'art "Vis ta vie"

    Association Handidanse 

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  •  Lulu

    Lucien, dit Lulu, ne ressemblait à personne. Il n'avait rien d'un africain, même s'il avait les lèvres épaisses, pas plus qu'il n'était asiatique, bien que ses yeux étaient bridés. Les cheveux en bataille, habillé à la va-vite que j’te pousse avec son éternel pantalon à carreaux, qui grandissait moins vite que lui et l’art et la manière de boutonner dimanche avec lundi, il avait l’air, comme disait sa mère, d’un as de pique. Que voulez-vous, Lulu, il n’aimait pas la symétrie et à l’ordre préférait le désordre, les notes non alignées qui dansent sur la portée ! Il aimait le grand air, le chant des oiseaux, grimper à la cime des arbres et voir le monde d’en haut…

    Mais, lulu, sans le savoir, faisait le désespoir des siens. Excédés par ce petit garçon qui, décidément, ne ressemblait à rien et ne rentrait dans rien, maîtres et maîtresses se mirent en tête de le changer, de l'éduquer, de le rendre plus conforme pour qu'il soit dans la norme.

    Dans l'insouciance de ses six ans, Lulu trouvait le monde des adultes bien compliqué. Qu'avaient donc tous ces grands à vouloir le changer ? Pourquoi voulaient-ils le mettre dans des cases, lui qui ne supportait pas les boites trop étroites ? Et, Pourquoi disait-on toujours de lui qu'il n'arriverait à rien ? Qu'il était cabochard, illettré et ignare ! Il était lui, un point c’est tout et c’était là déjà beaucoup.

    Bon soit, il n’aimait pas la symétrie et boudait les maths sans merci, mais c’était là son seul délit ! Et, puis comment aurait-il pu savoir quoi acheter avec 1 franc, lui qui n'avait jamais eu un sou en poche, même que sa mère lui disait toujours :

     " Mon pauvre Lulu, tu es fagoté n’importe comment et quoi que je fasse, il te manquera toujours deux sous pour faire un franc »

    L’histoire ? Celle des vieux ? Bah ! C’’est vrai qu’il la trouvait trop poussiéreuse. Il faut dire que les coups de canons, ça faisait quand même des sacrés trous dans le béton ! y’ avait qu’à lui parler de fleurs, de fanfares, du cinéma de quartier… Et, là, il en connaissait un rayon le Lulu, preuve qu’il n'était pas si bête.

    Et, La Fontaine ? Ah ça, La Fontaine, c'était tout de même quelqu'un, même que son maître, il le disait. Eh bien ! lui savait mieux que personne toutes les histoires de ce grand homme. Celle du corbeau stupide, qui se faisait piquer son fromage; de la cigale rock star qui n'avait plus rien à manger avec la fourmi radine, aussi pingre que sa voisine la mère Pichard; de la grenouille qui voulait être aussi grosse qu'un bœuf et qui avait fini par péter, comme son ballon de baudruche, sur la cour de récré!

    D'ailleurs, lui aussi savait inventer des histoires. Il aimait la poésie, surtout quand elle était de lui. Un jour, son maitre l’avait surpris au milieu de ses rêveries. « Lucien, ce n’est pas en écrivant tes inepties que tu réussiras dans la vie » lui avait-il dit d’un ton plein de reproches. Ce jour-là, certes, le Lulu, il n'avait pas tout saisi, mais quand toute la classe avait ri, il savait bien qu'on se moquait de lui. Les mots, s'était-il dit alors, ça ne fait pas de traces dessus la peau, juste quelques dessus bleus le cœur, mais on ne les voit que de l'intérieur. Dehors, qui devinera qu’il est idiot, si lui Lulu n’en pipe pas mot !

    Au début, c'est vrai, ça le faisait presque pleurer et quand son père le voyait renifler le cartable plein de contrariétés, il n'arrêtait pas de lui répéter : " Lulu, arrête de pleurnicher ! Mets donc tout ça dedans ta poche et pose ton mouchoir par-dessus ! N'y pense plus ! Pour sûr, il semblait bien la connaître la chanson son père. Il avait dû remplir ses poches et user des tonnes de mouchoirs !

    Lulu ne rentra jamais dans les boites. Il garda les cheveux en bataille, son éternel pantalon à carreau et l’art et la manière de boutonner dimanche avec lundi. Au hasard des chemins, il fit la connaissance de Madame de Bournonville, une jeune institutrice. Elle vit en lui toute la richesse de son originalité, de son imaginaire et créativité, et mit à jour tout son talent.

    Lulu excella alors dans l’art de jouer la comédie. Il interpréta différents personnages en les mettant en scène avec tellement de spontanéité, de conviction et de naturel, qu’il forçât l’admiration de tous. Il fit rire, il fit pleurer, mais ne laissa jamais indifférent. Cette rencontre changea le regard de ses camarades, de l’environnement, sur lui. Désormais accepté, lulu put garder son allure d’as de pique et rester ce qu’il avait toujours été sans offusquer personne. Il était lui, un point c’est tout et c’était là… Déjà beaucoup .

    Anne Li

     

     


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  • Textes sur la différence

    Apprivoise moi  

     

    "La rencontre avec ce qui n'est pas moi,  

    Avec ce qui est différent de moi 

    M'enrichit "

     

    Tahar Ben Jelloun 

     

     

     

     

    Éducatrice dans l'enfance inadaptée pendant plus de trente-cinq ans, je ne me suis jamais épuisée de ces rencontres parfois insolites, souvent tortueuses mais empreintes de tant et tant de vérité et de sincérité !

    Ces rencontres m'ont fait découvrir l’essentiel, m'ont donné le goût des mots justes. Elles m'ont détourné des faux semblants, m'ont fait prendre des raccourcis pour dire de mon vivant, de leur vivant, aux personnes qui me sont chères combien elles me sont importantes.

     


     À Mickaëla, à Alain, à Gildas, à Christophe, Fares, Dylan, Florence, Thierry, Fabien, Juju, Brieuc... À toutes ces petites étoiles qui sont parties et qui depuis scintillent dans les cieux et me guident dans ma vie.

      

    Extrait du Petit Prince de Saint Exupèry  

    Apprivoise moi  

     

    « Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe.

    Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien.

     Le langage est source de malentendus.

    Mais,

    Chaque jour

     Tu pourras t'asseoir un peu plus près... »

     

    Ludo

    Du haut de ses huit ans, sur la pointe des pieds, dans une raideur presque cadavérique, Ludovic se tenait debout devant elle, à la fois si proche et si lointain. Il tournoyait des heures entières inlassablement sur lui-même dans une sorte de recherche d’équilibre, tel un papillon épuisé qui ne peut jamais se poser. Son visage crispé exprimait quelque chose d’effrayant, comme une douleur statique fixée à jamais sur la toile,  tandis que son regard désespérément vide,  la traversait d’un souffle glacial sans jamais s’arrêter ni la voir.  Ses mains, assaillies de mille doutes, de mille souffrances aussi, semblaient, dans leur détresse, chercher le chemin des siennes, mais dès qu’elles l’effleuraient, elles hurlaient de douleur, se tordaient, semblaient se consumer sous les feux de l’enfer.

    Pourtant, chaque jour, il était là, à proximité d'elle, emmuré dans son silence, cherchant, elle ne savait quoi d'indéfinissable. Sans comprendre vraiment ce qui la poussait, elle répondait présente à ce rendez-vous insensé où n’existait qu’un froid sibérien et austère. La moindre de ses expressions, la plus petite de ses attentions, la simple manifestation d’une émotion, éveillaient en lui un chaos de sentiments contradictoires qui paraissaient le submerger comme un raz de marée dévastateur, menaçant de l’engloutir à jamais.

    À ce masque de souffrance, telle une comédienne s’exerçant sur les planches, elle opposait une expression neutre, dénuée de tout affect, étouffant ses attentes, retenant ses paroles, ses gestes et ses émois pour ne pas le faire fuir.  « Il te faudra être très patient si tu veux m’apprivoiser, disait le renard dans le Petit Prince ! Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près... »

    Alors dans cette constance, elle attendait sans jamais défaillir, espérant que le temps deviendrait leur allié.

    Un jour s’éloignant d'elle, au plus loin dans la pièce, lui qui ne parlait pas lui cria son prénom, sautant comme un poisson qui recherche son air, la laissant interdite, bouleversée d’émotion, mais elle ne put rien dire si ce n’est : « Oui Ludo »
    À ne demander rien, il lui donna beaucoup et l’échange s’installa lentement, au fil du temps, par petites touches. 


      Anne Li

     

     


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  • Une feuille blanche de papier        

     

    Ce jour là                                                                                 

    Sur la planche de dessin

    De Charlie

    On ne trouva

    Qu'une gomme prostrée

    Qu'un crayon à la mine brisée

    Qu'une larme rougie

    Desséchée 

    Que  l'esquisse  d'une vie,

    Qui s'était effacée

    De la  feuille blanche de papier 

     

    Anne Li

     


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